Traduction de « Paroles en transgressions et dépressions

« paroles et dépression dans la faute » Jean – Jacques gorog / Wen Fu Huimin / traduction Wang Run Morning Sun / relecture Aborder la question de la dépression du point de vue de la faute, de la culpabilité, remonte directement à ce que Lacan a exposé dans « tv». Bien qu’il existe dans […]

« paroles et dépression dans la faute »
Jean – Jacques gorog / Wen Fu Huimin / traduction Wang Run Morning Sun / relecture
Aborder la question de la dépression du point de vue de la faute, de la culpabilité, remonte directement à ce que Lacan a exposé dans « tv». Bien qu’il existe dans notre pensée un lien bien établi entre dépression et négligence, grâce à la référence à cette « télévision » bien connue qui mêle tristesse et négligence [1]. Mais je pense qu’il est nécessaire de revoir le lien, ses racines, sa pertinence clinique et de considérer son efficacité en thérapie. Dès le début de son expérience, Lacan a créé une méthode pour lier la clinique à la faute: il parle de « paranoïa auto – punitive» dans sa thèse de doctorat, approchant le monde de la faute d’une manière régressive, c’est d’une manière qui impose une punition au sujet. Il n’y a pas d’expérience de culpabilité ici, où la faute est présentée nue. Pour le « monde malade de la faute », qui est considéré comme la cause du comportement humain, peut s’étendre au meurtre, au suicide. Pour la question du deuil, nous devons également la traiter avec soin. Dans le monde contemporain, l’expression « faire le deuil », bien qu’ayant son origine dans la psychanalyse, est devenue une expression fixe et a suscité de nombreux malentendus. L ‘ »objet a » de Lacan, après l’ « objet perdu » de Freud, en mode deuil, prend la place de tout ce dont nous avons besoin pour nous en détacher, nous en séparer. Le concept du surmoi freudien tente de répondre à l’impédance du sujet face à l’oubli, à proprement parler, un vestige du deuil de l ‘« épisode d’Œdipe ». Le complexe d’Œdipe, dans sa propre définition, le rapport à la faute se manifeste par la question: « de quoi sommes – nous coupables? »Puisqu’il est bien connu de dire qu’il n’y a que des fautes transférées, la question est: d’où vient la première faute? En examinant les facteurs qui déterminent la faute, il est peut – être possible de préciser davantage comment la culpabilité peut contribuer à la dépression.

C’est précisément ce que Lacan, dans son cours de discussion « l’éthique de la psychanalyse », dans le projet d’un examen systématique de la faute, a proposé, dès le départ, de citer la dimension morale sous deux chemins et deux instants chez Freud: le père mort et la pulsion mortelle: est – ce cette faute du meurtre du père, dans les premiers écrits de Freud, ce grand mythe placé par Freud à l’origine du développement culturel?

[1] il ne s’agit cependant pas d’un état d’âme, mais seulement d’une faute morale, comme Dante et même Spinoza l’ont exprimé: un péché, c’est – à – dire une lâcheté morale, qui n’existe finalement que dans la pensée, c’est – à – dire dans le devoir de bien parler, c’est – à – dire de se reconnaître dans l’inconscient, dans la structure. Tant que cette lâcheté est rejetée inconsciemment et se transforme en psychose, alors vient avec elle ce qui est exclu, c’est – à – dire le retour du langage dans la réalité; C’est précisément l’excitation maniaque qui peut rendre ce retour fatal. Contrairement à la tristesse, il existe une connaissance agréable, c’est une vertu. La Vertu ne peut pardonner les péchés de personne, comme le péché originel bien connu. J. Lacan, « télévision », autres écrits, Paris, le seuil, 2001, p. 526.
« n’est – ce pas la faute la plus obscure, la plus primitive, qu’il présente enfin à la fin de son œuvre – l’impulsion mortelle – qui est la terrible dialectique de l’enracinement de l’homme dans le cœur? [2] » ce thème influencera un aspect important de l’enseignement de Lacan, car la faute peut revenir de plusieurs façons et peut être une punition pour un événement « historique», comme celui que nous pourrions appeler le mythe, le meurtre du père. Cela peut aussi être quelque chose de structurel, comme une impulsion morte. Comment peut – on dire d’une chose structurée qu’elle est fautive? La culpabilité freudienne, est – elle motivée par la première ou la deuxième catégorie? Ou est – ce encore la même chose au début et après la deuxième topologie? Le raisonnement de Lacan emprunte d’abord des chemins détournés, qui se connectent à la première catégorie, car la culpabilité est fondée sur le désir: « dans la construction théorique de Freud, la production de la dimension morale n’est pas enracinée ailleurs, mais provient du désir lui – même. C’est de l’énergie du désir que se détache le mécanisme qui se manifeste dans la dernière phase de sa production comme la censure [3] ».

Dans la théorie de Freud et de Lacan, le désir (wunsch), fondé sur l’interdiction patriarcale – « la peur qu’il (ne) meure », signe du désir de mort de l’homme – rat, reste son paradigme. Nous pouvons donc en déduire que le désir existe avant la loi, de sorte qu’il n’est pas interdit de créer le désir, qui est en désaccord avec ce que nous aurions pu attendre autrement, et la façon dont il se manifeste normalement. Dans la théorie de Lacan, il existe de nombreux états du désir, au point qu’il ne peut être décodé que par l’interprétation, et non pas précéder l’interprétation de l’existence, comme cela a été montré dans la formule de ce cours de discussion: « le désir et son interprétation: le désir est son interprétation ». Nous pouvons voir que la temporalité du désir est complexe, mais a une place centrale dans le traitement de la question de la faute.

Dans le commentaire de Lacan, il aborde une question sur l’obligation: est – elle morale? Devons – nous faire la distinction entre la négligence et la soumission? Nous pouvons sentir que la faute n’est pas seulement de ne pas respecter strictement un ordre, mais qu’elle concerne d’autres aspects, que nous avons peut – être obéis, mais que nous avons été fautifs à d’autres exigences [4], et que c’est là que la dépression peut survenir.

Pour être clair, il suffit de vérifier l’incohérence apparente que les gens manifestent souvent à l’égard des rites religieux qu’ils prétendent observer. C’est aussi ce qui a conduit Freud à associer la religion à un trouble obsessionnel – compulsif individuel, dans lequel la négligence envers le rituel est impliquée. Ce n’est pas facile à comprendre, car c’est le sujet qui impose une telle obligation à lui – même et qui craint de ne pas pouvoir l’accomplir. Cela dépend de sa « réalité psychologique » personnelle et non de ce que la religion exige de ses fidèles.

Bien sûr, nous nous rendons compte qu’il existe au moins deux formes différentes de « dépression» et, à sa racine, la structure clinique prouve qu’il existe au moins deux mécanismes, deux modes de négligence. Le premier est psychotique, dans lequel, bien sûr, la situation principale est la mélancolie:

[2] J. Lacan, le séminaire, Livre VII, l’étique de la psychanalyse (1959 – 1960), le seuil, 1986, p. 11. [3] ibid. [4] Cf. l’exécuteur obéissant aux ordres.
« ce qui est interdit exclut le sujet dans une situation où il ne peut trouver aucun signe approprié pour s’exprimer. C’est là que réside sa nature douloureuse, car la mélancolie se forme lorsque l’ego est dans une position d’exclusion par l’idéal de l’ego. Ainsi, un tel état dépressif se forme lorsque l’idéal de l’ego est tel que le sujet est dans une position d’exclusion dans sa vie réelle où il ne peut trouver aucun sens. [5] » l’absence de sens, le rejet de tout sens, peut conduire à la dépression comme une faute structurelle. C’est sans doute dans ce sens que Lacan cherche à distinguer la différence entre les deux moments de la pensée freudienne mentionnés dans le précédent: le père de la tribu primitive et l’instinct de mort. Il est ajouté ici que dans les cas de mélancolie, le père est explicitement exclu en raison de la psychose. L’autre côté de la dépression est souvent associé à une névrose compulsive. En fait, il y a une objection de genre à la thèse présentée ici concernant l’absence de comportement, la dépression liée à la « concession au désir», car, selon l’opinion populaire, la dépression est plus répandue chez les femmes. Mais comme Lacan l’a souligné pour les troubles anxieux, bien qu’il soit plus facile d’attribuer cela aux femmes, l’anxiété principalement associée aux troubles obsessionnels compulsifs chez les hommes est une question qui sera abordée dans son cours de discussion du même nom [6]. De même, nous suggérons de prendre la lâcheté compulsive masculine comme référence pour considérer l’un des deux aspects de la dépression sur lesquels nous nous concentrons ici. Ces deux fautes peuvent donc correspondre, dans une certaine mesure, aux deux moments proposés par Freud, soulignés par Lacan, l’un concernant le père – rejet du « nom du père » dans la mélancolie – et l’autre concernant l’instinct de mort – la faute « plus obscure » de l’obsession compulsive, et leur lâcheté devant le désir, qui peut se manifester avec un masque de dépression.

Nous donnons ici un exemple de moment dépressif et de ses causes, mais en préfigurant davantage sa structure:

Il y a un homme qui a perdu son père qui n’était pas à l’aise avec lui, surtout pas à la fin de sa vie, et le père n’a pas reçu l’aide attendue sur son lit de mort. Le patient reste profondément coupable longtemps après, mais on ne sait pas si ce sentiment de culpabilité appartient à l’inconscient.

Lors d’un voyage de retour de vacances dans son village, il rencontre un ami qu’il n’a pas rencontré depuis longtemps et qui lui dit: « Tu es dégoûtant », ce qui le rend très contrarié et pense que cette phrase est dirigée contre sa faute avant la mort de son père. En fait, la cohérence de la chaîne logique exige que nous comprenions cette phrase dans son contexte, c’est – à – dire que l’ami lui reproche en fait de ne pas l’avoir contacté pendant son séjour à l’intérieur du pays.

Un troisième événement s’ajoute à cette intrigue mêlée: le même jour, le même ami lui recommande une personne rencontrée par hasard. Cependant, cet homme, dont il ne connaît que le nom, est chargé par un autre intermédiaire d’aider à retrouver les objets anciens de son père décédé. Mais malheureusement, les objets qui semblent sans valeur et qui pourraient intéresser l’expert sont accidentellement jetés par lui parce qu’ils sont trop encombrants. C’est une autre faute qui fait croire qu’il mérite d’être « Traité » comme tout le monde le dit; Mais plus important encore, le regard de l’homme était très troublant, comme s’il s’agissait d’un véritable reproche, et on ne pouvait s’empêcher de se demander si l’ami l’avait rencontré intentionnellement.

[5] J. Lacan, le séminaire, Livre V, les formations de l’inconnu (1957 – 1958), Paris, le seuil, 1998, p. 300. [6] J. Lacan, le séminaire, livre X, l’angoisse (1962 – 1963), Paris, le seuil, 2004.
Nous pouvons voir que cette faute se désintègre en une insulte mal « interprétée » et constitue un transfert de faute. La logique déclarative qui permet de restaurer ces fragments se fait dans un ordre particulier que je n’ai pas suivi: d’abord les mots offensants, ensuite les demandes d’objets paternels et enfin l’événement qui précède la mort du père, cet événement qui le rend vraiment coupable. Ce récit dépeint de manière vivante ce que Lacan appelle « le monde malade de la faute », mais il ne détermine pas à quelle structure appartiennent les sujets mentionnés dans l’histoire, bien que nous puissions deviner quelque chose à ce sujet. Cependant, la culpabilité, en tant que sentiment inconscient, est considérée comme la clé pour définir la névrose. Mais nous devons d’abord comprendre ce que Freud voulait vraiment dire par l’expression « sentiment inconscient de culpabilité », qui est plus déroutante qu’il n’y paraît. En principe, la sensation elle – même est consciente, et peut – être que seule la motivation qui l’inspire peut impliquer l’inconscient, c’est pourquoi on l’appelle « transfert» (verschiebung), ce que Lacan a toujours souligné. Il est vrai que la dépression est d’abord une émotion, puis seulement un état médicalement diagnostiqué. Mais le terme est affecté par la culpabilité dans l’inconscient, c’est – à – dire qu’il devient un état négligé par le sujet. La dépression est aussi inconsciente que la culpabilité, mais elle a un sens différent: au sens d’une maladie ignorée par le sujet, dans notre société moderne, elle est comme le « poumon » de tonet dans un « gémissement sans maladie », considéré comme un problème qui peut être résolu simplement en le nommant. En effet, cette exigence correspond à une offre excessive de médicaments. Il est intéressant de noter que la psychothérapie est presque toujours fournie avec elle, mais si elle identifie implicitement l’existence d’une faute. Peut – être ne pouvons – nous pas voir tout de suite qu’il est contraire à la psychanalyse dans les traitements qui impliquent un rapport du sujet à la faute, car il s’agit d’une réduction de la souffrance, implicite ou révélée, qui vise à soulager le poids de la culpabilité associée à la souffrance par une série de stratégies. Cependant, cet allégement, Freud pensait qu’il fallait recourir à des moyens détournés pour l’obtenir. Lacan a souligné à ce sujet: « … nous ne pouvons pas conclure que quelqu’un ne sera pas coupable simplement parce qu’il s’auto – accuse d’avoir de mauvaises intentions. » [7]

Rappelez – vous que la question n’est pas aujourd’hui, comme le confirment les propos de Lacan en 1950:

« ces effets, dont la psychanalyse a découvert la signification, sont courageusement revendiqués par l’émotion correspondante dans l’expérience – le sentiment de culpabilité.

Rien ne montre plus l’importance de la révolution freudienne que l’usage de la psychologie de cette catégorie ou technique réellement omniprésente, autrefois négligée, ou grossière, ou obscure ou rigoureuse, ou ouverte ou volée, depuis la révolution freudienne – si ce n’est les efforts singuliers de certains pour la réduire à une forme « génétique » ou « objective », avec l’assurance expérimentaliste du « behaviorisme », un effort qui s’est épuisé depuis longtemps s’il a été privé de la compréhension du sens dans les faits humains. [8] ».

Au – delà de la culpabilité, de véritables effets « dépressifs » apparaissent, comme le dit l’ouverture:

[7] J. Lacan, « réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la « verneiung » de Freud, dans Écrits, Paris, le seuil, 1966, p. 395. [8] J. Lacan, « Introduction théorique aux fonctions de la psychiatrie en criminologie », dans Écrits, Paris, le seuil, 1966, p. 129.
« … la tendance à attribuer toute dépression à une certaine relation vacillante, conflictuelle, entre l’ego et l’idéal de soi, plutôt qu’à la catégorie de l’idéal de soi, nous reconnaissons que tout ce qui se passe dans la catégorie de la dépression ou, au contraire, dans la catégorie de l’hyperexcitation, doit être considéré dans la perspective d’une hostilité ouverte entre les deux, peu importe d’où vient l’hostilité, qu’il s’agisse d’une révolte de l’ego ou que l’idéal de soi devienne trop sévère [9]. » ce n’est qu’un aspect que Lacan a rapidement corrigé dans « hamlet» [10], suivi d’un examen plus approfondi dans le cours de discussion « éthique» de l’année suivante. Il est vrai que la faute peut avoir de nombreux effets, en particulier, selon Freud, idéalement la répression. Cependant, Lacan présente dans le cours de discussion « anxiété» beaucoup d’autres situations, y compris la répression ou non, accompagnées d’un abandon particulier résultant de la dépression, c’est – à – dire d’un retrait de la reconnaissance de la faute, c’est – à – dire de la cognition de la structure.

L’inhibition est sans aucun doute la description la plus appropriée de cette tonalité de Hamlet, et l’état de retrait de Hamlet face à sa mission à accomplir est décrit comme déprimé, à tel point que la mélancolie est souvent utilisée pour le décrire [11]. Au contraire, nous remarquons l’exaltation d’Antigone, son intransigeance sur ce qu’elle considère comme sa responsabilité, soulignée par Lacan, et l’exaltation d’Œdipe, lorsqu’il franchit cette étape à la fin de « Œdipe en colon». Tout en acceptant son destin, il a fermement refusé de faire des compromis avec ses fils – qui n’ont pas réussi à le respecter correctement lorsqu’il a été libéré de l’aveuglement, à la fin du « roi Œdipe». Peut – être que l’étymologie du mot fanatisme peut expliquer pourquoi Œdipe a été canonisé Dieu à ce moment – là, ou peut – être que c’est aussi la raison pour laquelle Lacan a un étrange respect pour l’acte suicidaire – il est vrai que notre attitude est en grande partie tempérée parce que cet acte ne peut réussir que Dans des circonstances très rares, et le succès du suicide ne signifie pas qu’il est le produit d’une action.

Assumer son destin est en fait le Guide proposé par Lacan aux psychanalystes: une autre affirmation de « ne pas compromettre le désir », d’abord pour le psychanalyste lui – même, après quoi il incombe au psychanalyste de transmettre cette attitude à l’analyste. Interpréter et interpréter les désirs du sujet dans l’analyse, c’est – à – dire: qu’il s’accroche à ses désirs, qu’il n’y fasse aucun compromis.

A la fin du cours de discussion, cette dimension est pleinement présentée et l’enthousiasme suscité par « ne pas faire de compromis sur le désir » provient d’un optimisme pour la psychanalyse, qu’il partagera moins avec nous dans les enseignements ultérieurs de Lacan.

Il faut cependant souligner la particularité de la dépression: pour Freud, ce n’est pas un symptôme immédiatement reconnaissable à ce qu’il comprend – comme le confirment ses écrits, un terme qu’il utilise rarement, à l’exception de la référence à la mélancolie. Nous pouvons sentir que pour pouvoir traiter la dépression avec un discours psychanalytique, il faut d’abord procéder à une transformation qui lui donne une cause qui peut être traitée par la parole. Sur ce point, la théorie sert la clinique la plus élémentaire, mais il faut encore réaffirmer l’idée exposée ici: la dépression doit être attribuée à une faute, à un retrait devant ce que le sujet aurait dû accomplir, et non à l’effet des événements mêmes auxquels il a été soumis. Le traumatisme, le deuil ne sont que des causes superficielles dont la signification est acquise en fonction du contexte particulier du sujet. Les critères objectifs quantifiés par le discours dominant – comme les témoins oculaires interviewant les victimes après une catastrophe – sont immédiatement réévalués en fonction des autres coordonnées des victimes.

[9] J. Lacan, les formations de l’inconnu, op. Cit., p. 289 – 90. [10] J. Lacan, « le désir et son interprétation », écrit, 1958 – 1959 (les leçons sur Hamlet dans Ornicar? N° 24 – 28). [11] bien sûr, Freud a également traité le « cas particulier » de Hamlet.
Ainsi, après un accident de train, quelqu’un se sent déprimé, déprimé. Lorsqu’on lui demande pourquoi, il ne pense pas à perdre son compagnon, mais à se plaindre: les gens viennent l’interroger et le réconforter, mais personne ne pense à lui donner une tasse de café. L’exemple, extrême mais vrai, illustre le problème en jeu, celui de la relation à l’autre. Le grand autre a un défaut que Lacan exprime par la formule « le grand autre sans le grand autre ». C’est face à cette inadmissibilité négative que la dépression surgit et conduit au grand autre du grand autre supposé exister, le garant ultime. Le retrait de la dépression réside dans l’éveil au statut de l’autre grand de l’autre grand, et de même, dans le deuil, la dépression indique une perte impuissante, comme si la personne qui disparaît enlevait également les racines de ce grand autre, le grand autre du grand autre. C’est également la clé pour combiner cette fonction avec la théorie freudienne du narcissisme, selon la formulation antérieure de Lacan, qui est en partie empruntée à Mélanie Klein: pour un bébé, la perception d’une mère holistique et complète peut conduire à l’apparition de la dépression: « en ce qui concerne la mère, on nous dit qu’à un certain stade de son développement, c’est – à – dire au stade de la position dépressive, elle introduit ce nouvel élément d’intégrité [12] ».

Mais comment concilier cet effet avec la catégorie de la faute? Nous pouvons deviner que cela nécessite un changement conceptuel. Il serait trop long de suivre toutes les étapes, et ici nous n’avons qu’à souligner les facteurs qui peuvent conduire à l’absence de la totalité et la nécessité de manquer quelque chose. Ce défaut, une fois redéfini comme désir, représente le moment de sortir de la dépression [13]. Souligner que cela résout le paradoxe de la dépression, c’est faire comprendre au sujet qu’il est l’acteur de la réalité, car tout vaut mieux que d’être la poupée de l’événement [14]. Ainsi, par définition, il est coupable, mais son propre blâme peut être destiné à nous tromper, en fermant la discussion sur la nature de l’erreur non reconnue qui l’a paralysé sans qu’il sache pourquoi. Par conséquent, il devient essentiel de comprendre les erreurs concernant la nature de la faute. Tout comme la première façon d’expliquer Freud dans le cas de Dora, Lacan l’explore également dans « la direction de la guérison »:

[12] J. Lacan, le séminaire, Livre IV, la relation d’objet (1956 – 1957), Paris, le seuil, 1994, p. 67. Lacan pense que l’effet « dépressif » est dû à quelque chose qu’il commente, à savoir que l’intégrité du corps de la mère fait entrer l’enfant dans l’existence – le jeu manquant – mais cela ne change pas l’idée que la fonction du sujet apparaît en ce moment. [13] pour Lacan, la maîtrise du jeu existentiel – manquant représente le moment de sortir de la dépression. [14] ce que manifeste la névrose traumatique, c’est que le sujet souffrant ne peut s’attribuer aucune responsabilité et que le traitement spontané en cas d’enlèvement, le syndrome de Stockholm, est extrêmement précieux et donne un sens aux événements subis comme si c’était le sujet lui – même qui avait choisi tout cela.
« il y a longtemps, j’ai souligné ce processus d’inversion de Hegel, c’est – à – dire l’inversion de la position de la bonne âme sur la réalité dont elle [Dora] est accusée. Il ne s’agit pas de s’adapter à la réalité, mais de lui montrer qu’elle est simplement trop adaptée, car elle contribue à sa construction. [15] » en ce qui concerne la dépression, ce principe s’applique évidemment aussi, mais pour la dimension réelle du deuil, il ne semble pas y avoir de responsabilité du sujet. Nous voyons ainsi le curieux retournement de l’expérience de la résolution du deuil, comme la résolution de l’équation, la résolution du deuil empruntée au placement du sujet dans la mort de l’autre grand, comme si le sujet y participait. Les commentaires de Lacan sur Hamlet montrent miraculeusement comment la prise en charge du deuil peut aider Hamlet à se libérer de son état dépressif – face à reotis, qui pleure amèrement pour sa sœur, Hamlet a écrasé la mort d’ophelia sur lui. « (…) la puissance du désir, comme je vous l’ai montré une fois, ne peut être récupérée que d’un regard extérieur, de la vue d’un véritable deuil, Hamlet se lançant dans une compétition pour ce deuil, c’est – à – dire pour le deuil de réoutis, pour sa sœur, c’est – à – dire pour l’objet d’amour d’hamlet, et dont il est soudainement séparé par la rareté du désir. » [16] nous trouvons ici l’effet du sujet dont Lacan tire une partie de son objet, la « partie» de a, ou de ce qu’il décrit plus tard sous le nom d’« aliénation – séparation», en empruntant cette partie du sujet capturée par Le grand autre. C’est pourquoi cette partie de l’objet est toujours impliquée quand il s’agit de dépression. Chez Freud, il (l’objet partiel) existait toujours d’abord sous la forme d’un objet de l’ombre qui tombait au – dessus de l’ego, cette ombre dévorant l’ego, totalement dévoré dans la mélancolie, partiellement dévoré dans le trouble obsessionnel – compulsif, pour Abraham. La discussion qui suit se concentre sur la nature de la faute, la différence entre la couverture partielle ou la couverture globale. Cet objet, c’est – à – dire l’ombre, doit être considéré négativement, et l’ego responsable de cette négativité est donc fautif, mais comme la faute, la tache vient de l’extérieur, si cette occultation était partielle, il serait difficile pour le sujet de la rendre vraiment sienne. Dans la mélancolie, le « masquage » complet permet plutôt une assimilation directe, et le sujet peut se blâmer en se considérant comme le grand autre. En d’autres termes, entre la dépression et la mélancolie n’est pas une simple question de quantité, comme Freud à Carl. Le mécanisme, dit Abraham, n’est pas le même. C’est la signification ajoutée à la théorie du deuil de Lacan à Freud: « au – delà de la pratique freudienne et dans le fil de ses interrogations, mieux clarifier ce que signifie le deuil [17] ». En conséquence, sa critique d’Abraham s’arrête également au fait qu’il ne voit que des différences quantitatives.

Le corps est là où se trouve l’apparence de cette faute, et il faut le remettre à sa place dans l’ordre symbolique dans lequel il se trouve. Mais Lacan a fait un véritable changement dans « l’anxiété», car il a dû répondre à l’accusation qu’il avait négligé ses émotions. Il distinguait mieux que Freud la différence entre névrose et psychose et, en commentant l’effet du deuil d’Hamlet dans une scène de cimetière, il utilisa la prise de deuil comme un modèle que le processus d’analyse devait finalement produire.

[15] J. Lacan, « la direction de la cure », dans Écrits, Paris, le seuil, 1966, p. 596. Lacan, l’angoisse, op. Cit., p. 383 – 388. [17] toujours à la fin de la discussion sur « l’anxiété ».
Dans le catéchisme de la mort, le « travail » du deuil, du moins idéalement, devrait paradoxalement sortir le sujet de son état dépressif, à condition d’y déterminer la sortie, c’est – à – dire le moment de la conclusion que Lacan ne cesse de souligner. Contrairement à Freud, il ne s’agit plus d’une série de souvenirs qui résultent de l’absorption des éléments constitutifs de l’objet, mais d’une compréhension soudaine, d’une interruption qui s’accompagne d’un changement de la position du sujet sur ses désirs. Cet effet prend de nombreuses formes dans le discours de Lacan, dont l’une est la traversée de la fantaisie. Ainsi, lorsque l’image corporelle occupe la faute, la faute porte un masque de dépression. Et le discours analytique peut en libérer en plaçant la faute là où elle devrait être.